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Regards sur les associations du jasmin (lycées français de Tunisie)

11 mai 2020 Ancien-ne du réseau
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Ce mois-ci, nous nous intéressons à la vie des associations des lycées de Tunisie et en particulier de sa capitale, Tunis, qui a chaleureusement accueilli le dernier FOMA (Forum Mondial des Anciens Elèves des Lycées Français du Monde) en avril 2019. La Tunisie est d'actualité car une nouvelle association - l'AALFT - , tout juste née, ambitionne de regrouper aussi bien en France que dans le pays même, les anciens de tous les établissements français du pays et de porter une nouvelle dynamique intergénérationnelle. Elle a d'ailleurs commencé avec succès par un Zoom "Flash retrouvailles" planétaire le samedi 2 mai, malgré ces temps de confinement. Mais avant d'en parler, replongeons-nous dans l'histoire du mythique lycée Carnot, né au XIXe siècle et définitivement fermé en 1983 (il y a 37 ans), avec ses deux associations fondatrices, celle de Paris et celle de Tunis qui perdurent pourtant, fait unique dans les annales !
Michel Hayoun

 

DE PARIS.....

Michel Hayoun, président de l'ALCT (Association des Anciens Lycée Carnot de Tunis), basée à Paris.

Je suis né et j'ai grandi à Tunis. Mon père était imprimeur et j'ai fait toute ma scolarité au lycée Carnot, depuis la maternelle jusqu'à la prépa. Puis, je suis venu faire mes études supérieures à Paris. Et la vie, les circonstances historiques aidant, nous sommes restés en France, comme beaucoup d'autres, qu'ils aient été natifs du pays ou seulement « oiseaux de passage ». Au début, il a fallu s'adapter à d'autres codes, d'autres mentalités, trouver « sa place » dans ce nouvel univers.  Mais on ressentait un tel vide. On a fondé alors l'association à Paris, mus par un besoin vital de se retrouver entre anciens de Tunis, en se posant la question de comment se retrouver ? Par appartenance sociale, religieuse, ethnique ? Cela nous semblait trop cloisonné pour des retrouvailles. C'est finalement l'identité d'ancien élève qui nous a rassemblés, c'est elle qui nous représentait le mieux. Le lycée Carnot, c'était notre socle commun à tous. C'est là où on avait passé le plus de temps, partagé le plus d'expériences, ressenti le plus d'émotions. A l'époque, c'était vraiment un creuset qui réunissait des enfants de tous les milieux, tout en ayant un enseignement d'excellence. Le mythe du lycée Carnot est alors né, ce lycée qui a donné de nombreux artistes, écrivains, hommes politiques sur les deux rives de la Méditerranée.

L'association a tout de suite connu un grand succès : des milliers d'adhésions, un site, une page Facebook, un annuaire, des rencontres régulières avec des conférences, des soirées festives, des voyages. Avec de grands moments, comme la réception des anciens à l'Hôtel de ville de Paris par le maire de Paris d'alors, Bertrand Delanoë, ancien du lycée Stephen Pichon de Bizerte ou un dîner couscous au poisson avec l'équipe du film 'La graine et le mulet ». Le plus émouvant a été ce voyage de retour que nous avons fait pour son centenaire, sur une idée de notre président d'honneur, Philippe Seguin, qui était alors président de l'assemblée nationale française. On a organisé un prix de la francophonie à remettre à plusieurs gagnants du lycée Bourguiba le lycée pilote de l'éducation nationale tunisienne qui avait pris la suite de notre lycée. Cela a été une rencontre mémorable, avec des personnalités de Tunisie, de France et d'autres pays. Et on a ramené en Tunisie des gens qui n'étaient plus revenus depuis vingt ou trente ans.

L'association continue à jouer son rôle de liant, malgré les années qui passent. Nous faisons des visites de musées régulièrement, avec plus de cinquante anciens, des voyages au bout du monde ou de la Méditerranée, où se mêlent le plaisir de la découverte avec la joie profonde de se retrouver entre nous de chanter les chansons de notre adolescence et de rire aux mêmes blagues mille fois répétées. Un moment magique parmi tant d'autres : l'année dernière, dans le verger d'une auberge perdue dans la campagne au pied des tombeaux des rois de Macédoine en Grèce du Nord, nous nous régalions de mûres rouges, fruits retrouvés de notre enfance, quand le restaurateur a mis de la musique arabe. Et tout le monde s'est mis à danser. Sans oublier les makrouds (gâteaux tunisiens) sortis par magie par Madeleine de sa valise, face aux glaciers et aux baleines au fin fond de la Patagonie.

Cette période difficile que nous traversons, ce temps de confinement, nous donne envie de revivre notre passé, mais démontre aussi le besoin de passer le flambeau aux jeunes générations.

 

A TUNIS....

Madeleine Berger-Ben Naceur

Madeleine Berger-Ben Naceur, présidente de l'AAELC (Association des Anciens Elèves du Lycée Canot), basée à Tunis

Je suis née à Tunis par un hasard de la vie. Mon père, venu pour une mission de 90 jours pour mettre sur pied la nouvelle compagnie aérienne nationale Tunisair, y est finalement resté 30 ans. C'est une chance extraordinaire d'être d'une culture et de vivre dans une autre. Toute ma vie s'est déroulée en Tunisie, à part mes années d'études à Paris Dauphine. Je n'ai jamais vraiment quitté l'univers lycéen en étant successivement élève, surveillante, puis enseignante dans des sections professionnelles, aujourd'hui disparues, qui ont pourtant permis à de nombreux jeunes de trouver leur voie.

 Dès 1902, il y avait à Tunis une association des élèves du lycée de Tunis, l'AELT qui dispensait des bourses d'études aux élèves brillants, payait l'internat pour d'autres et organisait déjà la « caravane d'études » pour rencontrer d'autres élèves des lycées Carnot de France. Cette association a disparu dans les années 1960. Il y avait aussi à Paris « AMILCAR » (référence carthaginoise !!!), une amicale d'élèves fondée par Ange Leonforte qui a rassemblé à Paris tous les anciens élèves partis et installés en France.

L'AAELC (Association des Anciens élèves du lycée Carnot de Tunis) a été fondée en juin 1979 par un ancien élève et ministre, Abdelhamid Sassi. J'en suis devenue la présidente après une longue série d'hommes (le lycée Carnot était devenu mixte dans les années 60). Dans cette association, on a un vrai plaisir à se retrouver, entre camarades de différentes générations, sans considérations sociales ou autres. A notre époque, où il n'y avait pas de frais de scolarité, se côtoyaient au lycée tous les enfants des diverses communautés (tunisienne, française, italienne, maltaise, …) et le fils de cuisinier et fils d'ambassadeur partageaient les mêmes bancs.

L'association a de nombreuses activités : des conférences sur les différentes périodes historiques de la Tunisie dans des lieux magnifiques, des sorties en bus les weekends pour découvrir des régions moins connues de Tunisie. Nous fêtons aussi la « Saint Charlemagne » (celui qui aurait « obligé » les enfants à aller à l'école), suivant la tradition où chaque 28 janvier, nous envahissions le lycée avec déguisements, lancement d'œufs et de farine sous l'œil bienveillant de l'administration. Une fois même, les élèves avaient fait rentrer un âne en classe !!!

 Mais depuis la « révolution » (renversement du régime de Ben Ali en 2011), beaucoup de ces activités ont été mises sous le boisseau. Heureusement, chaque année, depuis 2017, Olivier Poivre d'Arvor, l'ambassadeur de France nous ouvre les magnifiques jardins de la Résidence à La Marsa où tous les anciens de Carnot et des deux lycées Pierre Mendes-France (Mutu) et Gustave Flaubert (Cailloux) viennent pique-niquer avec familles et amis. *

Cette année, la situation est différente, car nous sommes confinés depuis le 21 mars, avec couvre-feu de 8 heures du soir à 6 heures du matin. D'un côté, la nature a repris ses droits, avec une atmosphère sans pollution. Mais de l'autre, c'est une vraie épreuve pour beaucoup de Tunisiens, surtout les plus pauvres. Avec d'autres associations, avec les mairies, nous avons mis en place des actions de solidarité qui soulagent quelque peu. C'est aussi un temps difficile pour nos lycées dont le dénominateur commun est « l'éducation à la française ». Nous sommes de fiers vecteurs de la francophonie (dont le prochain sommet doit se tenir à Tunis dès que possible). Ce réseau d'écoles à la française est une exception, il faut que cela perdure.

Pascal Fleury

 

A UNE ASSOCIATION BI-NATIONALE .....

Pascal Fleury, AALFT (Association dans Anciens des lycées français de Tunisie), basée à Paris et à Tunis

Je suis vraiment issu d'un terreau multiculturel. Mes grands-parents maternels, lui corse, elle normande sont venus s'installer en Tunisie durant le siècle dernier. Mon papa, militaire d'abord à Bizerte puis à Tunis, faisait le planton devant le lycée de jeunes filles Paul Cambon. C'est ainsi qu'il a repéré ma mère, collégienne, qui passait et repassait devant lui. Mon histoire est donc dès le début lié au destin des lycées. Ma famille, repartie en France (où je suis né), est vite rentrée à Tunis, devant l'attitude hostile de ma grand-mère maternelle qui reprochait à mon père d'avoir épousée une « Arabe » !!! Et c'est mon pépé, un grand homme de théâtre tunisien, que ma grand-mère maternelle avait épousé en secondes noces, qui nous a encouragés en nous disant : « Rentrez les enfants »

J'ai fait toutes ma scolarité à Tunis : d'abord au petit lycée Scipion l'Africain (annexe de Carnot) ; puis à Mutu (Mutuelleville, devenu lycée Pierre Mendès-France) et enfin, au lycée de la Marsa (Cailloux, devenu Gustave Flaubert). Sans être un bon élève, car j'aimais plus la musique que les études, cela n'a été que du bonheur. Cela reste mon cordon ombilical entre mes deux patries, la Tunisie et la France et entre mes deux langues, le français et l'arabe.

Nous avons fondé l'association pour regrouper tous les anciens élèves de tous les établissements français de Tunisie car nous avons tellement à partager. Chaque établissement a déjà une association, mais les membres vieillissent, se dispersent. Il fallait redynamiser l'ensemble par des rencontres virtuelles pour l'instant et réelles quand la situation sanitaire s'améliorera. C'est tout l'intérêt de nos associations, à la fois en France et en Tunisie, qui fédère les alumni ayant un lien avec la Tunisie d'ici, de là-bas et du monde entier, de remotiver les jeunes « anciens », en leur montrant que cette association pouvait être un bon réseau pour leur vie professionnelle. Nous allons mettre en place des actions de monitoring pour l'entraide aux plus jeunes, avec l'aide de ceux « qui ont réussi » dans le monde entier (art, culture, industrie, media, politique, ...). Mais en cette période de confinement, on s'est dit qu'on avait besoin de se retrouver à la lueur et à la chaleur de nos années-lycées. D'où, notre premier "Flash retrouvailles" sur ZOOM du samedi 2 mai, préparé en 4 jours, de bouche à oreille (virtuelles), qui a été extraordinaire : avec les retrouvailles de camarades qui ne s'étaient pas vus depuis des 50 ans, des appels de Tunis, Paris, Beyrouth, Téhéran, New York, Toronto, Bruxelles, Genève, Le Caire …. On a chanté, on a dansé, toutes générations confondues. Et la présidente de l'Union-ALFM y a participé aussi avec entrain. Nous recommençons cette semaine avec des portraits d'anciens élèves (toujours en live sur ZOOM), vous y êtes tous et toutes invités !

Interviews réalisées par Effy Tselikas, journaliste et rédactrice volontaire pour l'Union-ALFM.




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