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Interview de Rita SEKKAT, lauréate du Prix de l'engagement de l'Union-ALFM 2019

06 janvier 2020 Ancien-ne du réseau
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Présidente et Co-fondatrice d'HAPPIH

Rita SEKKAT, est co-fondatrice et Présidente de l'Association franco-marocaine HAPPIH (Humanitarian Action for Proctection and Preservation of Intimate Hygiene), qui lutte contre la précarité menstruelle et les tabous liés aux règles au Maghreb, au Moyen-Orient et en Afrique Subsaharienne plus largement.
HAPPIH concentre ses actions sur l'éducation des jeunes filles et l'accès aux serviettes hygiéniques réutilisables.

Lauréate du Prix Union-ALFM 2019*, remis lors du Forum professionnel du 22 novembre dernier, pour son engagement associatif, nous l'avons interrogé sur ses convictions, ses projets et sa vision pour les jeunes filles du monde.

Union-ALFM : Comment vous est venue l'idée d'une telle association ?

Rita : Dans le cadre de ma scolarité à Sciences Po, section politiques publiques sur le campus de Menton, il fallait présenter un projet étudiant coordonné avec la Coopération Internationale de Monaco, concernant le Maroc. Marocaine, issue d'un milieu ouvert (mon père est universitaire et ma mère, médecin), ayant fait mon école primaire à Jean de la Fontaine à Fez et mon secondaire au lycée Paul Valéry à Meknès, j'ai toujours voulu avoir un impact sur la vie des gens. Un des co-fondateurs, Walid Ben Hamadi, ancien du lycée Pierre Mendès France de Tunis, nous a parlé alors d'un projet en Tunisie qui s'occupait de fournir des serviettes hygiéniques aux jeunes filles n'ayant pas les moyens de s'en acheter. J'ai tout de suite été séduite par l'idée et ai eu envie de la développer.

Union-ALFM : Qu'est ce qui vous a plu dans ce projet ?

Rita : Il y a déjà beaucoup d'associations humanitaires au Maroc (pour les malades, les handicapés, les prisonniers, …). Ce projet permettait d'explorer une autre voie, d'être à la fois dans l'aide concrète mais aussi de faire avancer les mentalités en faisant réfléchir aux tabous. Beaucoup de jeunes filles, surtout dans les régions défavorisées, n'ont pas assez d'argent pour s'acheter des protections. En particulier, celles qui vivent dans des internats dans les campagnes. Quand elles ont leurs règles, elles perdent plusieurs jours, parfois plusieurs semaines de leur scolarité. Ces jeunes filles, qui rêvaient de devenir avocates ou ingénieurs, finissaient par se retrouver mariées et femmes de ménage. A leur rencontre, je me suis rendue compte de la chance que j'avais eu, moi, dans ma vie et j'ai vraiment voulu les aider. Mon entourage (parents, amis, etc.) m'a fortement soutenue.

Union-ALFM : Comment s'est déroulé l'organisation ?

Rita : Après le projet étudiant, nous avons essayé d'approfondir le sujet avec mes 4 condisciples (j'étais la seule fille du groupe) Il n'y avait aucune donnée officielle, ni sur l'accès à ces protections intimes, ni sur le taux de déscolarisation. C'est seulement cette année qu'on a pu obtenir les premiers chiffres : 70 % des Marocaines n'y ont pas accès. Notre projet a donc été sélectionné et financé. Nous avons fait un partenariat avec l'INSAF, une association locale et sommes partis pour différentes missions sur place, dans la région d'Imintanoute pas loin de Marrakech, dans deux internats où nous avons pu réaliser des entretiens individuels, provoquer des discussions informelles et organiser des rencontres avec les infirmières.

Union-ALFM : Concrètement, décrivez-nous l'action d'HAPPIH ?

Rita : Cela va de la distribution de protections aux jeunes filles qui en ont besoin à la commercialisation (très prochaine) d'une nouvelle serviette hygiénique biodégradable sans glyphosate 'BE HAPPIH'. Mais surtout nous visons une action à long terme qui va dans le sens de l'égalité femmes/hommes, avec une sensibilisation des jeunes filles sur leur santé et leur environnement, doublée d'une lutte au quotidien contre les préjugés et les tabous très présents dans ce domaine-là. Même si cette activité me prend beaucoup de temps (de 2 à 4 heures par jour), elle m'a fait beaucoup grandir, en donnant un sens concret à toute la culture humaniste reçue au lycée. D'autant plus que les choses évoluent ! Par exemple, même si la télévision marocaine est encore frileuse, on a pu parler de ces sujets à la radio et dans la presse, alors qu'il y a quelques années encore, le sujet aurait été impossible à aborder. Et quand je revois les jeunes filles du 1er projet, elles me racontent comment cela a joué un rôle déterminant dans leur vie. Certaines d'entre elles sont aujourd'hui à l'Université.

Action d'HAPPIH au Maroc

 

 

Union-ALFM : Qu'est que ce prix représente pour vous ?

Rita : C'est un ancien de Paul Valéry, membre de l'ALFM, qui nous en parlé. On a fait la vidéo en une après-midi. HAPPIH est très heureux d'avoir été choisi, avec la bonne surprise de la somme gagnée*. Cela nous donnera plus de moyens pour le projet . Nous préparons déjà deux autres campagnes pour mars et mai 2020, une au Maroc et une au Sénégal, avec la joie d'avoir avec nous le réseau ALFM comme caisse de résonance pour ces actions.

*Prix de l'engagement de l'Union-ALFM 2019 : ce prix vise à récompenser l'engagement associatif d'un ancien élève du réseau dans les domaines suivants : développement durable, santé, social, lutte contre toutes les discriminations, migrations et mouvements de populations, éducation et la transmission des savoirs. Une dotation de 2 000€ a été remise au Lauréat 2019.

Les critères de sélection 2019 sont les suivants :

  • Être un ancien élève d'une école ou d'un lycée français de l'étranger (1 année pleine), de plus de 18 ans ;
  • Être actif au sein d'une association officiellement enregistrée depuis 1 année ;
  • L'association œuvre dans les domaines suivants : développement durable, santé, social, lutte contre toutes les discriminations, migrations et mouvements de populations, éducation et la transmission des savoirs.

Interview réalisée par Effy Tselikas, journaliste, ancienne du Lycée français Victor Hugo (Alger) et du Lycée Carnot (Tunis) - janvier 2020.




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