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Béatrice Bernier-Barbé, Présidente de l'ALFD (Dakar)
Véritable livre d'histoire en ce qui concerne l'histoire du lycée Jean Mermoz, il semble tout naturel que Béatrice Bernier-Barbé se retrouve présidente de l'Association des Anciens dudit Lycée Français de Dakar. Ici, elle nous fournit des éclaircissements sur le rôle et but de cette association apolitique qu'est l'ALFD, qui en ce jour, regroupe des adhérents présents sur « les cinq continents ».
nous mettons en place des passerelles entre les différentes générations en leur proposant de se rapprocher les unes des autres à travers leur lieu de vie actuel, leurs centres d'intérêt, leur expérience professionnelle
Pouvez-vous vous présenter ?
J'ai 36 ans. Je suis française, née au Sénégal. Je suis mariée et maman d'un petit garçon de 7 ans. Issue d'une famille "d'expatriés" depuis trois générations, j'ai vécu plus longtemps à l'étranger" qu'en France.
Avez-vous vécu dans d'autres pays d'Afrique ?
Je suis née à Dakar mais j'ai également résidé 4 ans au Gabon et 2 ans en Côte d'Ivoire où j'ai obtenu mon Bac, au lycée français Blaise Pascal. Je suis revenue vivre et travailler au Sénégal en 2002, année durant laquelle j'ai été embauchée au lycée Mermoz, en tant qu'Auxiliaire d'Éducation au service de la Vie Scolaire (Collège/Lycée).
Élève puis employée au lycée français Jean Mermoz, pouvez-vous brièvement nous éclairer sur les différentes localisations et péripéties qui fondent l'histoire dudit lycée?
En 1976, une association de parents d'élèves a fondé "La Petite École Française" afin que leurs enfants puissent suivre un programme scolaire français. L'école était située dans le quartier de Bel Air, en pleine zone industrielle. Au fur et à mesure des années, l'école n'a cessé d'accueillir de plus en plus d'élèves et la zone, aux alentours, s'est également développée. Dans les années 90, l'explosion d'une usine aux alentours - qui traitait des produits très dangereux - a été l'élément déclencheur du déménagement géographique du LFJM. C'est ainsi que le lycée fut transféré sur la route de Ouakam, en face de l'École Stella Mariste, en 1995. Cet établissement était provisoire, construit avec des Agipco - bâtiments en préfabriqué - le temps de construire le lycée actuel, inauguré en septembre 2010 par le Ministre de l'Éducation Nationale, Luc Châtel.
Vous venez d'une famille d'enseignants, cette continuité a-t-elle joué un rôle dans votre désir de choisir une pente autre mais ayant tout de même trait à l'enseignement ?
Certainement, et j'ai toujours dit à mes parents que je ne serai jamais prof ! Enfant, je voyais mon père passer ses vacances à corriger des paquets de copies et à préparer les futures évaluations ! Mais même en tant qu'agent administratif, il m'est arrivé de nombreuses fois de ramener du travail à la maison! Blague à part, j'ai toujours été motivée à travailler avec des enfants et adolescents. Je les trouve à la fois fabuleux, fatigants et pleins de surprises. Avec eux, rien n'est jamais acquis, et c'est ma vision de la vie. Ils sont pleins d'énergie, souvent têtus, parfois insolents mais toujours attachants. Ils représentent l'Avenir de chaque nation.
Punir pour punir n'a jamais servi à grand-chose
En tant qu'auxiliaire d'éducation, avez-vous une relation moins formelle avec les élèves que le corps professoral ? Les élèves se confient-ils aisément à vous ?
Disons que c'est un métier dans lequel il faut savoir faire preuve d'un méticuleux dosage. Nous sommes là pour faire respecter le règlement intérieur de l'établissement et préparer les jeunes aux règles de la société dans laquelle ils évolueront à l'âge adulte. Mais nous sommes aussi présents pour les écouter et les faire réfléchir à des solutions tangibles et réalisables. Punir pour punir n'a jamais servi à grand-chose. Au delà du corps de métier, je pense que c'est plutôt une question de feeling. Un élève qui se confit à vous (que vous soyez professeur ou auxiliaire d'éducation) le fait parce qu'il a confiance et qu'il sent que vous pouvez l'aider à trouver des solutions pour son mieux-vivre au sein de la communauté scolaire.
Il n'y a pas que les enfants qui apprennent à l'école, nous aussi, nous apprenons tous les jours à leurs côtés
Vous exercez des professions différentes – notamment au sein de l'association Les enfants fabuleux – mais toutes ont un dénominateur commun: les enfants. Que représentent-ils pour vous ?
La jeunesse représente énormément pour moi et travailler à leurs côtés reste ma plus belle expérience professionnelle. Avec eux, on ne s'ennuie jamais, chaque jour est différent. Il n'y a pas que les enfants qui apprennent à l'école, nous aussi, nous apprenons tous les jours à leurs côtés. Avec eux, rien n'est jamais figé. Ce n'est pas parce qu'un élève rencontre des difficultés en milieu scolaire qu'il ne se réalisera pas plus tard. Nelson Mandela a dit: "La plus grande gloire n'est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque chute".
Vous êtes la présidente de l'ALFD. En quoi consiste cette association et de quel constat découle sa création ?
L'association des Anciens du Lycée Français de Dakar a été créée en 2013 sur la demande de l'AEFE – Agence pour l'Enseignement du Français à l'Étranger – dont dépend le lycée français Jean Mermoz.
Elle a pour objectifs principaux d'accompagner les anciens élèves du lycée Jean Mermoz de Dakar à travers le partage d'expériences, l'aide aux choix d'orientation par le vécu, l'aide à la recherche de stages ou de travail, de maintenir les liens entre membres de la communauté éducative du LFJM au Sénégal et à l'Etranger par le recensement des adhérents et la présence active de notre association au sein de la plateforme de l'ALFM (Association des Anciens de Lycées Français du Monde). De plus, nous organisons régulièrement des soirées « afterworks » dans les grandes villes comme Montréal, Dakar, Paris ou encore Bordeaux, où les ALFD sont nombreux. C'est l'occasion de se retrouver, de se remémorer de bons souvenirs mais également de préparer l'avenir.
A ce jour, l'association compte plus de 500 membres, répartis dans le monde entier. Les membres ont entre 18 et 50 ans. L'adhésion est gratuite depuis la création de l'association.
Comme moyens de communication, nous utilisons beaucoup les réseaux sociaux car ces derniers s'avèrent très efficaces et gratuits. Notre groupe "Communauté ALFD" compte 1750 followers. Quant à la page "ALFD", elle est suivie par environ 2500 internautes.
L'ALFD joue t-elle un rôle de consultance dans les crises (grèves) ou dans le cas de réformes (aménagement des horaires etc) au sein des écoles françaises par exemple ? Si ce n'est pas le cas, de par la pluralité des pôles d'expérience de ses membres, aspire t-elle à l'être ?
Non, l'ALFD ne joue aucun rôle de consultance dans les situations citées ci-dessus car nous n'appartenons pas, juridiquement parlant, au lycée Jean Mermoz. Nous sommes une association indépendante. Nos membres sont obligatoirement des anciens élèves qui ne sont plus scolarisés dans l'établissement. Nous n'aspirons pas à changer cette situation car il ne pourrait en être autrement. En contre partie, nous participons à certains évènements, comme le "Carrefour des Métiers", au mois de mars, ou des conférences d'informations à l'amphithéâtre durant lesquelles nos anciens élèves viennent présenter leurs écoles ou métiers aux Terminales. En septembre dernier, nous avons également reçu la visite de M. René Randrianja, Président de l'ALFM dont le siège est à Paris dans les locaux de l'AEFE.
De combien de personnes est composé son bureau ? Le nombre de ses adhérents ? La domiciliation dudit bureau ?
Le bureau, réélu en octobre 2017, est composé de 5 personnes :
- Mme Aissatou Asmy Diaw, Vice-Présidente, Promotion 2006, sénégalaise, responsable juridique et fiscal d'une société spécialisée en prise de participation et investissement, résidant à Dakar.
- Mme Rym El Zein, Secrétaire, Promotion 2014, libano-sénégalaise, étudiante à Paris II Panthéon, résidant à Paris.
- M. Badekara François-Xavier Gabriel Dotte, Chargé de la Communication et de l'Évènementiel, Promotion 2014, français, Project Manager à K2i Design, résidant à Paris.
- M. Yan Dagassan, Trésorier, Promotion 1990, français, enseignant du Second Degré EPS au Lycée Mermoz de Dakar.
- Mme Bernier-Barbé, Présidente, Promotion 1999, française, Médiatrice pour enfants et adolescents à besoins spécifiques, Auxiliaire d'Éducation au lycée Mermoz de Dakar.
Actuellement, et depuis le lancement de la plateforme mondiale ALFM, notre association compte environs 500 membres.
Le siège social est domicilié au lycée Mermoz mais, faute de place dans les locaux de l'établissement, nous n'avons pas de bureau, à proprement parler. Nous sommes en "mode mobile". Mais cette spécificité n'est pas problématique vu que nos adhérents sont répartis dans le Monde entier et qu'en ce qui concerne nos ALFD dakarois, c'est souvent nous qui partons à leur rencontre, afin de réaliser nos fameux "posts" via la page Facebook ALFD et le groupe Communauté ALFD : "Nos anciens élèves ont du talent!".
Quelle est la feuille de route de l'ALFD pour l'année 2018 ?
Alors, nous avons tendance à fonctionner en année scolaire plutôt qu'en année civile, étant donné que les nouveaux adhérents sont les bacheliers du mois de juin (de l'année précédente). Depuis la rentrée 2017, nous organisons tous les mois des soirées afterwork au sein des villes dans lesquelles nous avons beaucoup d'anciens élèves: Montréal, Paris, Dakar, Bordeaux, Toulouse, Montpellier...
Lors du lancement de la plateforme ALFM à Paris, au mois de novembre dernier, deux membres du bureau étaient présents pour représenter notre association locale.
Il y a également les conférences d'informations à l'attention des Terminales, pour les aider dans le choix de leurs études supérieures. Nous participons au Carrefour des Métiers au mois de mars, organisé par le lycée.
Nous participerons également au premier Congrès de l'ALFM, au mois de mai 2018, à Beyrouth. Ce sera l'occasion de rencontrer les autres associations implantées à travers le monde.
Combien de pays recouvrent ses adhérents?
Nous avons des ALFD sur les cinq continents et la majorité d'entre eux sont en Europe, en Afrique et en Amérique du Nord.
Les conditions requises pour toute personne désirant postuler ?
Pour adhérer à l'ALFD, il est nécessaire d'être un ancien élève du lycée français Jean Mermoz de Dakar (minimum une année scolaire effectuée dans l'établissement) et d'être âgé(e) d'au moins 16 ans au moment de l'adhésion.
Quelles difficultés l'ALFD rencontre t-elle ?
Je pense que le grand challenge réside dans le "sentiment d'appartenance à la Communauté". En effet, Mermoz c'est une école mais c'est aussi trois structures distinctes depuis 1976. C'est flagrant lorsque nous publions des photos des différentes structures sur le Net. Lorsqu'il s'agit du lycée actuel, la "génération Bel Air" ou la "génération Préfa" se sent moins concernée par le post. Le phénomène reste normal et humain dans le sens où ce sont les souvenirs qui font que l'on s'attache (ou pas) à un lieu. Nous travaillons donc ardemment au développement de ce sentiment de cohésion. Pour ce faire, et au delà des différences, nous mettons en place des passerelles entre les différentes générations en leur proposant de se rapprocher les unes des autres à travers leur lieu de vie actuel, leurs centres d'intérêt, leur expérience professionnelle. A la base, c'est beaucoup d'investissement de la part des membres du bureau mais c'est un processus qui fonctionne bien. Une fois les liens créés, les ALFD développent leurs affinités de leurs côtés et par la même occasion, ce sentiment d'appartenance.
Êtes-vous soutenu par des organismes d'état ? Quel est votre modèle économique ?
Nous ne sommes soutenus par aucun organisme d'État et l'adhésion à l'ALFD est gratuite. Les aides apportées sont celles de nos anciens élèves à travers leurs activités professionnelles. Parfois, ils parrainent des évènements, gèrent l'organisation des afterworks dans la ville où ils résident, donnent de leur temps et de leur énergie. Et jusqu'à présent, ce mode de fonctionnement marche très bien. Comme quoi, avec peu de moyens financiers, on peut réaliser de belles choses.
Avez-vous une cellule d'écoute afin de venir en aide à des personnes en situation de détresse ?
Nous n'avons pas de "cellule de d'écoute pour personne en détresse". Par contre, les membres du Bureau sont très disponibles et à l'écoute. Chaque semaine, nous sommes sollicités par des ALFD et nous faisons notre possible pour leur venir en aide: recherche de stage, de travail, d'un point de chute pour passer une nuit à l'autre bout du monde, d'une attestation officielle...
Nous recevons souvent des messages de félicitation ou d'encouragement de la part des ALFD, pour tout ce que nous mettons en place pour eux. C'est là que réside notre plus belle récompense
Que représente cette association pour ses membres ?
Je pense qu'aujourd'hui, elle représente beaucoup. Nous recevons souvent des messages de félicitation ou d'encouragement de la part des ALFD pour tout ce que nous mettons en place pour eux. C'est là que réside notre plus belle récompense. De plus, lorsque nous avons besoin d'un coup de main, ils répondent toujours présents et c'est formidable. Il n'y a pas de hiérarchie rigide au sein de notre association. Chacun peut contribuer à apporter quelque chose à un moment donné, selon son temps, son envie et sa disponibilité. J'ai envie de dire que l'ALFD est à l'image de notre pays d'accueil, le Sénégal. C'est une communauté multiculturelle, respectueuse des différences de chacun. A ce sujet, je reprendrai une citation de Fatou Diome : "L'appartenance à la famille humaine confère à toute personne une sorte de citoyenneté mondiale, lui donnant des droits et des devoirs, les hommes étant unis par une communauté d'origine et de destinée suprême." (Le ventre de l'Atlantique).
Propos recueillis par Irène Idrisse
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