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Un jeune Libanais à Paris
Naji Tarhini, ingénieur issu du lycée franco-libanais de Habbouche Nabatieh, nous raconte son périple du sud du Liban à Paris et espère jouer un rôle de pont entre son pays et la France.
Racontez-nous votre scolarité dans ce lycée, moins connu que les prestigieux établissements de Beyrouth ?
Nous avons grandi ensemble, moi et le lycée franco-libanais de Habbouche Nabatieh, lycée de la Mission Laïque française et de l'AEFE du Sud du Liban, patrie de mon père. Ma mère, algérienne née à Skikda et arrivée dans les années 90 au Liban, y a été institutrice en primaire dès l'inauguration en 1997 et est maintenant enseignante de mathématiques au lycée. La petite école est devenue, année après année, un lycée. Je dirais que nous nous sommes construits ensemble, le lycée et moi et j'en suis tombé amoureux dès le début. J'ai le souvenir de mes premières institutrices, si douces et bienveillantes. J'y étais épanoui, bien dans ma peau, dans un cadre moins strict que les autres lycées libanais. C'est là où je me suis fait des amis que j'ai gardé pour la vie. Même si ma scolarité a été mouvementée. En 2006, la guerre avec Israël a eu des répercussions directes sur notre lycée, vu sa situation géographique plein sud du Liban. Je me souviens qu'on n'arrêtait de lever le drapeau français pour éviter de se faire bombarder. Plus tard, en 2006, il a fallu passer par la Syrie (tant que c'était encore possible) pour arriver à sortir du pays, car l'aéroport de Beyrouth avait été bombardé. Après la guerre, il y a eu l'incertitude de la rentrée. Les enseignants français déjà ou pas encore recrutés n'étaient pas très motivés pour venir dans ce lycée ; on n'a pas eu de professeur de Mathématiques pendant des mois. A l'époque, on ne se rendait pas vraiment compte de la dangerosité de la situation puisqu'on vivait tous la même chose. On se comprenait et on se soutenait.
Quel a été votre parcours après le lycée ?
En seconde, j'hésitais entre études de médecine ou d'ingénieur. C'est la visite d'un proviseur qui nous a parlé de classes préparatoires, mais aussi et surtout mon amour pour les mathématiques communiqué par ma mère qui m'a définitivement orienté. J'ai fait une classe préparatoire au lycée Louis le Grand à Paris, puis l'école d'ingénieurs des Arts et Métiers ParisTech. Je connaissais Paris pour y avoir passé tous mes étés dans la famille maternelle. Aujourd'hui à 30 ans, je travaille à Paris dans le domaine de la haute tension dans le réseau public d'électricité RTE (anciennement EDF), où je suis manager de projet sur l'interconnexion France-Angleterre. Je suis marié à une Française et l'heureux papa d'un petit garçon. Mon objectif au départ était de retourner au Liban apporter ma contribution au développement du pays. Mais revenir actuellement au Liban n'est pas réaliste à cause de la crise très profonde qui dure depuis des décennies et qui s'aggrave de jour en jour. Si j'étais célibataire, je n'hésiterais pas. Mais je ne veux pas prendre de risque pour ma famille. Mon envie d'œuvrer pour le Liban d'une manière et d'autre est toujours là, j'espère bien un jour utiliser mes compétences pour mon pays, en particulier pour l'accès à l'électricité. Mais les problèmes politiques au Liban bloquent les avancées socio-économiques. La vox populi, y compris celle de la classe moyenne et les foyers habituellement apolitiques ou peu politisés, s'est exprimée dans la rue, par de nombreuses manifestations. Bien sûr, la crise sanitaire a empiré la situation. Il y a eu beaucoup d'inquiétude au départ, mais finalement cela ne s'est pas trop mal passé. Les familles ont été très prudentes et ont respecté le confinement. Peut-être que cela se calmera avec l'été. Mes parents, restés au Liban, n'ont vu leur petit-fils que par Skype pour l'instant. Ils vont essayer de venir le voir cet été.
Quel pourrait être le rôle de l'Union-ALFM selon vous ?
En tant qu'ancien élève, j'aimerais que l'Union-ALFM devienne le lieu d'information pour les jeunes qui sortent des lycées, les jeunes anciens. A l'époque où nous étions au lycée, cela nous a un peu manqué et je pense que ça pourrait donner un coup de pouce à tous les élèves diplômés ou en cours de formation au Lycée franco-libanais de Habbouche Nabatieh. Les anciens qui sont en France, au Canada ou qui sont retournés au Liban pourraient aider les jeunes à trouver l'information et à aborder le marché du travail. De façon formelle/informelle, par réseaux, par circuits, par parrainages, sans qu'il y ait une réponse magique, les associations locales et l'Union-ALFM jouent déjà ce rôle d'interface, je dirais même plus, d'aimant pour faire bénéficier tous ces étudiants qui vont rayonner dans le monde entier, de l'expérience des anciens, en s'appuyant sur les besoins du marché du travail.
Interview réalisée par Effy Tselikas, journaliste, membre de l'Union-ALFM
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