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Un pays, un regard : l'analyse de Thibaud Sarazin-Boespflug depuis Hong-Kong
Ancien élève du lycée franco-allemand de Sarrebruck (Allemagne), Thibaud Sarrazin-Boespflug vit en Asie depuis 35 ans. Conseiller honoraire pour l'Asie du Sud Est, il est aussi administrateur de l'Union-ALFM. Il décryte pour nous la situation actuelle.
Comment vivez-vous la pandémie de coronovirus en Asie ?
J'ai été alerté très tôt, dès mi-février par des Français de Wuhan (qui fait partie de ma circonscription consulaire). J'étais alors à Pékin, du fait de mon activité de courtier pour une société d'assurances qui propose des services aux étrangers et aux expatriés dans de nombreux champs individuelle, société, prévoyance, habitation, santé, …). Je suis donc rentré immédiatement et resté depuis à Hongkong. Je ne suis plus reparti en Chine continentale pour éviter le confinement.
A Hong-kong, la situation est plutôt modérée, bien qu'inégalitaire. Certains Hongkongais pauvres souffrent vraiment. Il y a proportionnellement peu de morts jusqu'à maintenant : 4 « seulement ». Dès l'apparition de l'épidémie en Chine, les autorités ont immédiatement pris leurs précautions. Tout le monde a suivi les consignes de façon très obéissante, car a population avait la mémoire et les savoir-faire d'hygiène individuelle et collective du SARS en 2003. C'est dans doute ce qui explique les chiffres bas. Il n'y a pas de confinement généralisé, la plupart des magasins et restaurants sont ouverts normalement. Mais dès le début de l'alerte, les écoles ont fermé et tout le monde s'est mis à porter un masque. Les sociétés ont adopté des stratégies différentes : certaines restent ouvertes normalement, d'autres alternent une équipe sur deux, un jour sur deux. Ma société, elle, est fermée depuis trois semaines et je travaille à la maison.
Mais depuis le retour de personnes d'Europe et des Etats-Unis, par peur d'une nouvelle vague de contamination, de nouvelles mesures ont été prises : interdiction d'entrer ou même de transiter par Hongkong pour tout non-résident, fermeture de tous les bars, pas d'attroupement de plus de quatre personnes. Et ce matin, le bureau de l'Education (l'équivalent de notre ministère de l'Education Nationale) vient d'annoncer que les écoles, d'abord fermées jusqu'au 15 avril, le resteront jusqu'à fin mai.
Quelle est la situation ailleurs en Asie ?
En Chine, où j'allais régulièrement (Shenzhen, Pékin, Canton, …) l'activité reprend peu à peu. Mais tout est encore très fragile. Ailleurs, la situation est variable. La plupart des pays ont fermé leurs écoles et pratiquent un confinement plus au moins coercitif. Des pays comme le Vietnam s'en sortent pas mal, d'autres replongent comme Singapour ou le Japon. Là-bas aussi, les écoles sont fermées depuis trois semaines. Et ce weekend, les autorités ont interdit les sorties dans 6 préfectures, dont Tokyo. Ce que j'avais pressenti dès le début, que l'année scolaire serait « fichue », est en train d'arriver. Le fait que personne ne porte de masque dans la rue en France étonne, choque même, tous mes interlocuteurs asiatiques. Je pense que désormais, les Français vont désormais devoir porter un masque. D'ailleurs depuis ce matin ici à Hongkong, le Consulat a donné l'ordre aux ressortissants français de porter un masque.
Comment voyez-vous l'après ?
Il me semble que cela va être très difficile. Maintenant que les Etats-Unis et l'Afrique sont touchés à leur tour, c'est une pandémie mondiale. Qui nécessite un traitement à la fois mondial et par pays, par région. Sinon, on assistera à des aller-retours sans fin de la maladie. Et cela peut durer longtemps.
A l'heure actuelle, la majorité des écoles sont fermées. Je tire un vrai coup de chapeau aux enseignants ; ils ont su s'adapter en un temps record et mettre en place des cours dans la joie et la bonne humeur, comme je le vois avec ma fille au lycée français de Tokyo. Mais, cela va poser de vrais problèmes aux parents qui doivent s'occuper de leurs enfants et commencent à avoir des problèmes économiques, avec des conséquences à plus long terme. Il va y avoir des remises en question. Pour les expatriés, comme les loyers et la vie sont très chers ici, l'impact sera important pour ceux qui vont perdre leur emploi. En effet, il n'y a pas ici d'amortisseur ou de filet social comme en France. Les gens vont devoir choisir : rester ou repartir en France. Avec des difficultés supplémentaires pour les familles mixtes franco-chinoises.
Cela va poser un problème aussi aux établissements, qui voient courir leurs charges locatives, leurs frais d'assurances et de personnel. Cela va peut-être nous obliger à penser à un nouveau modèle d'enseignement à l'étranger.
Quelles initiatives sont possibles ?
Pour ma part, je participe à un groupe bénévole qui aide des collectivités locales, des hôpitaux, des cliniques, des sociétés français à se procurer des masques en Chine. Mais l'arrêt des vols Air France entre la Chine et Paris va compliquer les choses.
Pour sa part, forte de son réseau international et multiculturel, l'Union-ALFM doit « profiter » de ce moment particulier où la plupart d'entre nous sont davantage disponibles pour se consolider. Elle a un rôle à jouer dans chaque pays, dans chaque lycée pour aider les anciens à se parler, à échanger, à se regrouper, à se reconnaitre, à s'entraider.
Interview réalisée par Effy Tselikas, journaliste, membre de l'Union-ALFM, le 08 avril 2020.
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